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dp sante mentale et psychiatrie 3 mars 2023 1C’est passé totalement inaperçu dans les médias mais le 3 mars dernier, le ministre François Braun a souhaité faire un point d’avancement sur les mesures de la Feuille de route Santé mentale et Psychiatrie, lancée en 2018 et enrichie en 2021 de nouvelles mesures dans le cadre des Assises de la Santé mentale et de la Psychiatrie. 

Rappelons que les 3 axes prioritaires définis en 2018 dans la feuille de route ministérielle étaient les suivants :

  • Promouvoir le bien-être mental, prévenir et repérer précocement la souffrance psychique et prévenir le suicide ;
  • Garantir des parcours de soins coordonnés et soutenus par une offre en psychiatrie accessible, diversifiée et de qualité ;
  • Améliorer les conditions de vie et d’inclusion sociale et la citoyenneté.

5 ans après, quel bilan ? C’est là que les choses se compliquent !




LES PRINCIPALES « AVANCEES REELLES ET ENCOURAGEANTES » MISES EN AVANT PAR LE MINISTERE

Il y a eu en effet quelques mesures prises, en particulier :

le déploiement des « PSSM », premiers secours en santé mentale auprès de la population générale et aussi des étudiants. Ce programme venu d’Australie permet de se former aux conduites à tenir face à une personne en souffrance psychique. 
la création d’un numéro d’urgence psychiatrique en vue de prévenir le suicide, le 3114 et du dispositif Vigilans de suivi des personnes à risque suicidaire.
l’accès à la « PCH », prestation de compensation du handicap des personnes souffrant de troubles psychiques à partir de cette année, dont il faudra évidemment évaluer la réalité dans le temps.
Le soutien à quelques aspects de pair-aidance, notamment aux GEM, groupes d’entraide mutuelle.
un soutien aux personnes précaires souffrant de troubles psychiques avec la multiplication des équipes mobiles précarité
• Notons comme une avancée également, même s’il nous intéresse moins directement, l’accompagnement des parents et des enfants dès les premiers mois de la vie.

Le dispositif mon parcours psy, d’accès à des séances de psychologues remboursées ne constitue pas malheureusement l’avancée significative prétendue.

  • D’abord parce que les personnes souffrant de troubles psychiques comme la schizophrénie en sont exclues.
  • D’autre part, décidé en urgence face à la détresse psychologique des jeunes lors du Covid, ce dispositif ne suit pas les recommandations de l’IGAS inspection générale interminsitérielle du secteur social, qui préconisait en préalable au remboursement des consultations des psychologues une amélioration de leur formation, en lien avec les données de la science, et une organisation de la profession (ordre et code de déontologie) garantissant la confidentialité et la qualité des soins.
  • Enfin ses modalités n’ont pas bien été reçues par la majorité des professionnels et il est loin à ce stade de pouvoir être évalué positivement

SUR LA GLOBALITE DES TROIS AXES DE LA FEUILLE DE ROUTE : UN BILAN BIEN MAIGRE

  • Les premiers développements concernant le premier axe de la feuille de route (promotion de la santé mentale et prévention) sont intrigants 

En tête d’affiche des « actions de prévention, de déstigmatisation », il y aurait « l’évènement télévisuel du Psychodon » au « succès d’audience croissant » …
Comment le ministre peut-il se féliciter ainsi d’une soirée nullement portée par le service public, qui a lieu sur C8 ( groupe Bolloré) et dont les audiences sont confidentielles (Médiamétrie : Psychodon 2022 : 1,2% de part d’audience, 186 000 spectateurs, soit moins que « La folie du camping-car » diffusé le même soir sur RMC) ?
Quant à « la mise à profit » de la Coupe du monde de rugby en 2023 « pour déstigmatiser les troubles psychiques », nous avons hâte de la découvrir ! Mais avouons qu’on y croit peu.

Etrangement - et c'est même choquant - le groupe de travail ministériel de lutte contre la stigmatisation et auquel nous participons, piloté par la DGS et Psycom est passé sous silence ! Alors que c'est suite à ses travaux approfondis visant la sensibilisation des maires et des municipalités à la santé mentale que des villes par « l’appel de Nantes du 2 décembre 2022 » ont entendu se mobiliser activement en faveur de la santé mentale de leurs concitoyens.  

  • Plus inquiétant, les axes 2 et 3 de la feuille de route relatifs aux personnes souffrant de troubles psychiques sévères semblent vidés de leur substance

La priorité de l’axe 2, qui était de « garantir des parcours de soins coordonnés et soutenus par une offre en psychiatrie accessible, diversifiée et de qualité », est devenue « la poursuite d’un maillage territorial de l’offre de soins psychiatriques, dans le cadre d’une transformation des pratiques et des organisations qui doit composer avec les difficultés structurelles et conjoncturelles rencontrées par ses professionnels »

Jargon alambiqué, dont il ressort que l’ambition d’il y a 5 ans d’avoir une « offre de soins coordonnée, accessible, diversifiée et de qualité », a été rétrogradée à celle, plus prosaïque, « d’avoir une offre… ».

A ce point d’étape, la compilation de considérations techniques et l’annonce de mesures multiples et dispersées pour l’avenir alertent plutôt sur la dégradation bien réelle en 5 ans du système de soins. Système qui partait déjà de bien bas, ce qui motivait précisément la feuille de route de 2018. Bien sûr que des mesures susceptibles de produire des effets à long terme sont nécessaires, telles celles par exemple visant à renforcer l'attractivité de la psychiatrie et les formations.

Reste que concrètement - et c’est ce qui inquiète - le bilan est vide de réalisations concernant les actions prévues dans la feuille de route en faveur du rétablissement des patients. Pas la moindre mention ou allusion à ce qui a pu être fait concernant :    

  • le renforcement de la logique de la preuve pour l’évaluation de la qualité des pratiques (actions 23 à 29 de la feuille de route 2018),
  • le développement de la réhabilitation psychosociale (action 18)
  • l’amélioration du suivi somatique (actions n° 11, 14 et 15)
  • l’amélioration des prises en charge ambulatoires (action 9) et l’offre de case management de proximité (action 12)
  • l’amélioration de l’accès à l’emploi (action 35)
  • l’accès au logement (action 36).
  • l’amélioration de l’accompagnement médico-social (action 37)

Ce bilan renvoie apparemment exclusivement pour la mise en oeuvre des actions sur « un cadre d‘action locale de mieux en mieux approprié par les acteurs : les projets territoriaux de santé mentale (PTSM), dont 104 sont aujourd’hui attestés ». Mais que peut-on en attendre ? 

Créés par le décret n° 2017-1200 du 27 juillet 2017, ces projets territoriaux de santé mentale ont pour fonction d'organiser sur chaque territoire (ville, région ou autre) l’accès de la population à un ensemble de dispositifs et de services répondant aux priorités définies nationalement. 
Il ést prévu en première étape de travail dans le décret que ces organismes élaborent un "diagnostic territorial partagé", c'est-à-dire identifient les dysfonctionnements, blocages et carences dans les prises en charge observées. 
Dans un 2ème temps, les PTSM doivent faire émerger les pistes de travail pour y remédier.

Par rapport aux prévisions de 2018, les difficultés d'organisation puis la crise du Covid ont lourdement entravé les réunions et les travaux de ces PTSM. A Paris, par exemple, il n'y a eu aucun diagnostic sur l'offre de soins proposée au regard des besoins . Le PTSM travaille actuellement sur des projets en ayant occulté cette étape essentielle. 


Alors pour conclure quel bilan ?
Délitement du service public, annonces et mesures de colmatage prises dans l’urgence, actions parfois de façade... Ainsi va la politique de santé mentale en France.

Aujourd’hui en France, pas plus qu'il y a 5 ans, les personnes prises en charge pour une schizophrénie n’ont la possibilité d’accéder à des pratiques recommandées de longue date au niveau international comme l’éducation thérapeutique ou la remédiation cognitive par exemple.

Avec toutefois un pendant positif :  on sait désormais que les actions et les idées viendront nécessairement du terrain et qu'elles ne pourront se faire qu'avec les personnes concernées. 

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