La prise de poids : un effet secondaire fréquent des traitements antipsychotiques

Les études menées sur ce sujet sont très claires : il est courant que, dès l’instauration d’un traitement par neuroleptique ou antipsychotique atypique, les personnes prennent 10, 20, 30 kg ou plus (Cochrane, 2023, Lee 2023).
Les règles d’hygiène et diététiques, comme dans l’immense majorité des obésités installées sont très peu efficaces et les conséquences sur la santé somatique et psychologique sont désastreuses ( 2023 Walburg, rapport Laville 2023).

Des traitements prescrits dans le diabète ont montré leur efficacité contre l’obésité

Le 12 novembre 2023, les autorités de santé américaines ont donné leur autorisation à la commercialisation du Zepbound (nom commercial américain) produit par le laboratoire Eli Lilly dans l’obésité. Cette AMM (autorisation de mise sur le marché) suivait celle d’Ozempic et du Saxenda (du laboratoire danois Novo Nordisk), qui sont autorisés également en France.

Ces médicaments appartiennent à une même classe, les agonistes GLP-1 qui sont utilisés depuis 20 ans dans le diabète (2022 Lafferty). C’est important, ce sont des médicaments qui traitent depuis des années des millions de diabétiques dans le monde, on a donc un excellent recul sur leurs effets indésirables.

Ces traitements ne sont pas actuellement accessibles aux personnes sous traitement antipsychotique

Pourquoi ces médicaments ne sont-ils pas accessibles à des personnes qui n’ont pas d’autre choix que de prendre leur traitement antipsychotique, et qui voient leur système de régulation de l’appétit gravement perturbé sans qu’ils n’y puissent rien ?

Nous voyons plusieurs raisons à cela :

• Les psychiatres ne se saisissent pas réellement du problème de la prise de poids de leurs patients.

• Les patients ne sont pas informés et, la plupart du temps, pas orientés chez les endocrinologues et nutritionnistes spécialistes de l’obésité.

• Ces patients sont - comme souvent - occultés : ainsi dans son rapport, très complet par ailleurs sur l’obésité, le Pr Laville (en référence) n’évoque à aucun moment l’obésité induite par les psychotropes.

• Les autorités de santé françaises ont considéré que l’Ozempic ou le Saxenda apportaient dans l"obésité une « Amélioration du Service Médical Rendu » insuffisante, malgré les AMM, bloquant ainsi les négociations de prix avec les laboratoires. Ces traitements sont ainsi autorisés dans l’obésité mais non remboursés dans l’obésité sans diabète ;

• A ceci s’ajoutent des pénuries actuellement sur ces molécules, qui font qu’elles sont de fait réservées aux seuls patients diabétiques déjà sous traitement.

Les personnes qui ont pris beaucoup de poids sous antipsychotiques doivent par conséquent attendre d’être diabétiques (ce qui finira par arriver) pour être traitées !!!

Patients, familles, mobilisons-nous !

La lutte contre l’obésité est un levier majeur de l’amélioration de la qualité de vie et de réduction de la mortalité cardio-vasculaire de nombreuses personnes souffrant de schizophrénie.

C’est pourquoi le collectif Schizophrénies se mobilise en collaboration avec l’UNAFAM et d’autres associations pour réclamer qu’une organisation rationnelle du système de soins se mette en place, et pas dans 10 ans.

Le Zepbound qui a l’AMM en France pour le diabète devrait l’obtenir en 2024 au niveau européen pour l’obésité également. D’autres laboratoires sont en voie de commercialiser d’autres traitements ce qui va permettre d’avoir des stocks et d’en faire baisser le prix.

Nos axes d’actions sont les suivants :

• Obtenir des autorités de santé le remboursement de ces traitements en cas d’obésité, en refusant toute restriction abusive qui pourrait en limiter la portée pour les personnes souffrant de troubles psychiques. Cela pourrait passer par l’inclusion de ces traitements anti-obésité dans le panier de médicaments couvert par l’ALD 23 (affection de longue durée liée à des troubles schizophréniques).
• Réclamer que psychiatres et généralistes qui suivent les personnes sous traitement antipsychotique les orientent vers des nutritionniste ou endocrinologues.
• Informer les patients pour qu’ils évoquent cette possibilité avec leurs médecins/soignants et n’hésitent pas à réclamer la prise en charge de cet effet indésirable.
• Former les psychiatres et les médecins généralistes, qui pourront eux-mêmes prescrire sans passer par les endocrinologues ou nutritionnistes.
• Travailler sur ces prises en charge en collaboration avec les laboratoires pharmaceutiques concernés. Nous avons déjà des échanges positifs avec Novo Nordisk - laboratoire spécialiste du diabète et qui n'a aucune activité dans le champ de la psychiatrie - que nous remercions de son écoute. 

Références : 

• Agarwal_SM, Stogios_N, Ahsan_ZA, Lockwood_JT, Duncan_MJ, Takeuchi_H, Cohn_T, Taylor_VH, Remington_G, Faulkner_GE J,Hahn_M. Pharmacological interventions for prevention of weight gain in people with schizophrenia. Cochrane Database of Systematic Reviews 2022, Issue 10. Art. No.: CD013337. DOI: 10.1002/14651858.CD013337.pub2
• Lee K, Akinola A, Abraham S. Antipsychotic-induced weight gain: exploring the role of psychiatrists in managing patients’ physical health – challenges, current options and direction for future care. BJPsych Bulletin. 2023:1-6. doi:10.1192/bjb.2023.29
• Walburg FS, van Meijel B, Hoekstra T, et al. Effectiveness of a Lifestyle Intervention for People With a Severe Mental Illness in Dutch Outpatient Mental Health Care: A Randomized Clinical Trial. JAMA Psychiatry. 2023;80(9):886–894. doi:10.1001/jamapsychiatry.2023.1566
• Rapport du Pr Martine Laville, Avril 2023 Mieux prévenir et prendre en charge l’obésité en France. En libre accès sur le site du Ministère de la santé.https://sante.gouv.fr/ministere/documentation-et-publications-officielles/rapports/sante/article/mieux-prevenir-et-prendre-en-charge-l-obesite-en-France
• Communiqué de la FDA sur l’agrément du Zepbound dans l’obésité 8 nov 2023 -https://www.fda.gov/news-events/press-announcements/fda-approves-new-medication-chronic-weight-management
• Lafferty RA, O’Harte FPM, Irwin N, Gault VA and Flatt PR (2021) Proglucagon-Derived Peptides as Therapeutics. Front. Endocrinol. 12:689678. doi: 10.3389/fendo.2021.689678