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Isabelle a entendu des voix à partir de 2010. Après les médicaments, c'est la découverte de témoignages et du Réseau des Entendeurs de Voix qui l'ont mise sur la route du rétablissement ainsi que sa croyance tenace qu'à "tout problème, il existe une solution". Elle est interviewée par Emilie Houin, psychologue.


Peux-tu nous dire dans quel contexte sont apparues tes premières voix et les présenter un peu ? Est-ce que tu as eu des signes et des manifestations qui auraient pu t’alerter sur les difficultés à venir ?

Je me suis rendue compte que j’entendais des voix en juillet 2010. Ca avait commencé depuis quelques mois. Je ne savais pas trop si j’entendais mes voisins parler ou si c’étaient des voix. Je n’en avais pas du tout conscience au début. C’est arrivé dans un contexte où cela allait plutôt bien dans ma vie ; je faisais du sport, je travaillais. Et psychologiquement, cela allait assez bien, je faisais une thérapie depuis 2007 avec une psychologue. C’est arrivé à un moment où j’étais très bien dans ma peau, ça m’a un peu surprise, j’ai eu l’impression de recevoir un coup de bambou sur la tête, de me rendre compte que j’entendais des voix a été assez terrible. Je n’ai pas eu de signe avant-coureur.


Pourrais-tu présenter tes voix, parler un peu d’elles ?

J’attribue les voix au fait que j’ai toujours manqué de confiance en moi. Au bout d’un certain temps, cela a donné des voix. A force de souffrir de ce que j’imaginais du regard des autres et de manquer de confiance en moi, j’ai entendu des voix. Je pense que c’est plutôt cela qui a créé l’entente de voix.


Comment as-tu géré d’entendre des voix au début et qu’est-ce qui t’a aidée ?

Au début, mon compagnon m’a conseillé d’aller voir un psychiatre. C’est ce que j’ai fait et le premier psychiatre que j’ai vu m’a expliqué que j’avais fait une surcharge de dopamine dans le cerveau. Au bout de quelques mois de discussions, il a proposé de me donner un traitement, ce que j’ai accepté même si j’avais un peu peur. J’ai pris ce traitement et les voix ont disparu. Au bout d’un an, j’ai arrêté ce traitement et là, les voix sont revenues un mois après. Entre-temps, j’avais pris quinze kilos et j’avais eu beaucoup d’effets secondaires à cause du médicament. Et là, j’ai commencé à perdre confiance en la psychiatrie parce que je croyais que le fait de prendre des médicaments pendant un an allait solutionner le problème. Ce me rendre compte que le médicament ne guérissait rien du tout, j’ai commencé à avoir des doutes en la psychiatrie.


Tu as perdu confiance en la psychiatrie et un an après, tu as dû être hospitalisée. Pourquoi et en quoi cela a-t-il été bénéfique pour toi ?

J’ai arrêté le Zyprexa que je prenais durant l’année 2011. Ca, ça s’est bien passé. Ensuite, comme le Zyprexa était couplé avec le Zoloft, j’ai aussi voulu l’arrêter. Le sevrage du Zoloft a été très douloureux, il a duré plus de six mois avec de grosses migraines et plein d’effets secondaires. Après cela, les voix sont revenues plus fortes. Il y a aussi eu quelques facteurs personnels, à savoir que j’étais très stressée parce que j’avais moins de travail à la fin de l’année 2012. Comme les voix étaient très fortes, j’ai décidé de me faire hospitalisée au bout de trois mois. Je suis resté dix jours à l’hôpital. Cela m’a fait du bien car le traitement qu’ils m’ont donné les trois premiers jours m’a fait énormément dormir.

Ensuite, le fait de passer dix jours loin de chez moi m’a fait du bien. En plus, l’ambiance était assez sympathique. J’étais dans une antenne de Maison Blanche dans le 20ème arrondissement à Paris où l’équipe et les patients étaient assez sympathiques. Du coup, là, ça s’est bien passé et ça m’a fait du bien. Mais j’aurais pu éviter l’hospitalisation en apprenant à gérer mes voix dès le début de ma prise de médicaments, en 2010. Parce qu’au moment de l’hospitalisation, j’étais un peu démunie. Je ne savais pas quoi faire avec mes voix, j’avais peur des voix, c’est pour cela aussi que j’ai choisi de me faire hospitaliser.

Par la suite, comment as-tu découvert que tes voix étaient corrélées à tes émotions ?

Cela s’est fait en plusieurs étapes. Après mon hospitalisation, j’ai découvert « Intervoice », grâce à mon frère et j’ai commencé à m’intéresser à cette association internationale dont le « Réseau des entendeurs de voix » est le représentant en France. Après, je suis retourné vivre chez mes parents mais il n’y avait pas de groupe « Réseau des entendeurs de voix » à Orléans. Cela a pris du temps et j’ai découvert le livre de Paul Baker («  Entendre des voix ») en 2014. Ensuite, j’ai entendu le témoignage de Vincent Demassiet à la radio et j’ai commencé à me rendre compte que les voix que j’entendais travaillaient sur le fait que je manquais de confiance en moi et que j’avais peu des critiques de autres. Il fallait que j’aille guérir ces blessures. J’ai eu plusieurs fois des remarques blessantes quand j’étais petite et adolescente et j’ai toujours manqué de confiance en moi. Je n’ai jamais osé répondre aux personnes qui me manquaient de respect. Petit à petit, j’ai découvert que les voix mettaient le doigt sur ce problème-là. Il fallait que je prenne confiance en moi et ne pas me préoccuper du regard des autres.

Cela m’a pris du temps, encore aujourd’hui je travaille sur ce point-là, bien qu’aujourd’hui je n’entende quasiment plus de voix.

Tu as dit que les voix répondaient à tes pensées et les commentaient. Comment as-tu réussi à les piéger ?

J’ai inventé un petit exercice pour les piéger. J’entends trois voix, deux voix féminines et une voix masculine qui me critiquent sans arrêt et commentent mes pensées. Au début, elles me faisaient très peur puis, petit à petit, je me suis rendu compte qu’elles disaient toujours la même chose. Du coup, cela avait moins d’effet sur moi car d’entendre la même chose, j’étais un peu habitué à entendre ces choses-là. En fait, elles me faisaient très peur car je les considérais comme des mauvais esprits et je respectais leur autorité. Je me suis rendu compte que, quand elles disaient des choses comme « elle va mourir » ou « elle a compris », ils se trompaient car il ne m’arrivait rien. J’ai commencé à douter de ce que disaient les voix. Plusieurs fois, quand je faisais des raisonnements, j’entendais « elle a compris » et je croyais que j’avais compris quelque chose alors qu’en fait, je n’avais rien compris du tout. Elles disaient « elle a compris », d’un ton sarcastique, pour me déstabiliser. Ou alors sur un ton un peu stressant, comme si j’étais en train de comprendre quelque chose.

Une fois, j’ai pensé à quelque chose que je savais faux et je l’ai dit sur un ton très sérieux. Et là, j’ai entendu : « elle a compris ». Je me suis rendu compte que d’une part, les voix ne savaient pas de quoi je parlais et que d’autre part, c’est un mensonge.

C’était une énorme découverte car je croyais que les voix étaient intelligentes, d’une intelligence supérieure à la mienne, je me suis rendu compte que les voix étaient plutôt bêtes. A partir de ce moment-là, j’ai eu beaucoup moins peur des voix et ça a commencé à aller mieux.

De quoi aurais-tu besoin dans les moments les plus difficiles pour toi ?

Quand j’ai été confronté aux voix, j’ai cru, au début, que j’étais la seule personne à entendre des voix, j’étais un peu démunie. Et puis les psychiatres ne s’intéressent pas tellement au contenu des voix. Ils nous jugent sur ce qu’on raconte et donnent un traitement en fonction. Je me suis sentie très seule face à ce problème. J’aurais eu besoin de rencontrer « Intervoice » dès le début, d’avoir plus de personnes à qui en parler librement et d’avoir des moments de décompression d’énergie positive. J’aurais eu besoin de passer plus de bon temps, cela m’aurait aidé à ne plus entendre mes voix et à remonter la pente.

Qu’est-ce qui t’a le plus aidé dans ton parcours ?

Ce qui m’a le plus aidé, c’est ce que je me suis toujours dit que j’allais trouver une solution à ce problème. Même si les psychiatres ne me fournissaient pas de solutions, j’allais par moi-même trouver d’autres manières de résoudre ce problème. Ensuite, j’ai eu de la chance d’avoir des personnes qui m’ont parlé d’Intervoice et de lire ce livre de Paul Baker sur l’entente de voix et aussi d’entendre ce témoignage de Vincent Demassiet.

Du coup, je me suis sentie moins seule et j’ai compris que je pouvais trouver des solutions à ce problème. La clé est de ne pas rester seul et de rencontrer les personnes à qui on peut parler de cela sans être jugé. C’est vraiment le plus important. Et, à partir de là, la guérison peut commencer. J’ai toujours parlé avec une psychologue puisque j’en voyais une avant d’entendre des voix et j’ai continué et cela m’a fait énormément de bien.

L’autre chose qui m’a aidée dans le parcours est le bouddhisme. Je suis bouddhiste depuis mon adolescence et il y a des notions qui m’ont pas mal aidé comme l’impermanence, le fait que les choses se transforment tout le temps. Quand on a des problèmes, on peut trouver des solutions justement car nous pouvons, nous aussi, nous transformer et guérir quand on a ce genre de problèmes. J’ai fait aussi beaucoup de prières bouddhistes pour guérir, trouver des solutions, pour être bien inspirée. Cela m’a beaucoup aidé dans les moments où j’entendais des voix, où cela n’allait pas trop, de savoir que j’allais me transformer et trouver des solutions.

Une autre chose qui m’a aidée aussi : en 2015, je suis tombée amoureuse et le fait de recevoir de l’amour, avec cela, les voix sont complètement parties. Ce n’est pas uniquement cela car depuis quelques mois, je travaillais sur mes émotions. Elles étaient déjà parties par intermittence quand je travaillais sur mes émotions et que je pleurais énormément. Le fait de pleurer, d’exprimer ma colère aussi a fait disparaître mes voix. J’avais compris à ce moment-là que les voix étaient bêtes. Tomber amoureuse était un peu comme la cerise sur le gâteau et les voix sont totalement parties.

Après six ans de médicaments, peux-tu dire que cela t’a aidé à mieux vivre ton quotidien et quel est ton point de vue sur les médicaments ?

Aujourd’hui, j’ai un point de vue très négatif sur les médicaments. A chaque fois que j’en ai pris un, mes facultés mentales ont baissé, j’ai pris du poids, les effets secondaires sont énormes. Il y a la baisse de la libido, la baisse de l’envie de faire les choses, une apathie qui s’installe, il y a les trous de mémoire. Au tout début, je faisais confiance aux psychiatres et j’étais contente de ne plus entendre les voix avec les médicaments et d’ailleurs, je n’acceptais de prendre des médicaments que parce que j’avais peur des voix mais comme, depuis, j’ai appris à ne plus avoir peur des voix, je peux aujourd’hui me passer de médicaments. A partir du moment où l’on travaille sur le fait de ne plus avoir peur des voix, on peut ne plus prendre de médicament. C’est plutôt génial car les médicaments coûtent chers à la Sécurité Sociale, déjà et les effets secondaires sont assez horribles. J’ai une très mauvaise expérience des médicaments.

Avec le recul, qu’aurais-tu fait différemment et qu’est-ce qui aurait pu être amélioré ?

Il y a plusieurs choses. J’aurais aimé qu’on me dise que je n’étais pas la seule personne sur terre à entendre des voix et, cela, mon premier psychiatre ne me l’a absolument pas dit. Ensuite, j’aurais aimé rencontrer le Réseau des entendeurs de voix et Intervoice dès 2010 plutôt que de me diriger vers la psychiatrie qui n’a pas du tout les réponses appropriées à ce genre de problème. J’aurais ainsi appris à gérer les voix et j’aurais appris à ne plus avoir peur des voix grâce aux techniques qu’on apprend avec Intervoice. Ca m’aurait évité de prendre tous ces traitements. C’est seulement à partir de 2014 que j’ai commencé à baisser progressivement les médicaments. Aujourd’hui, j’ai quasiment terminé.

J’aurais aimé aussi que les psychiatres me renseignent sur les aides dont je pouvais bénéficier. Je ne savais pas que j’avais droit à une allocation adulte handicapée. J’ai découvert cela plus tard mais il était déjà trop tard pour percevoir la pension d’invalidité.

As-tu un message d’espoir pour ceux qui vivent des étapes similaires à ce que tu as traversé ?

Oui, je pense, depuis toujours, qu’à tout problème il y a une solution. Si un médecin ou un psychiatre n’a pas de solution, c’est qu’il ne l’a pas encore trouvé. Quand j’ai constaté les limites de la psychiatrie, je suis allé chercher d’autres voies tout en tenant compte de l’avis des psychiatres, évidemment… Avec la psychologie, le bouddhisme, les magnétiseurs, la médecine traditionnelle. Petit à petit, je m’en suis sortie complètement. Je dirais qu’il faut cultiver une force intérieure de se dire : « je n’ai pas encore trouvé mais il y a une solution à tous les problèmes, il faut que je travaille sur moi et trouver les bonnes personnes pour m’aider à faire ce travail et guérir ».
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