"e884571" est atteint de schizophrénie. Il avait commencé des études de médecine qu’il a dû interrompre en 4ème année du fait de ses troubles. Etudiant, il a constaté l’écart entre ses symptômes et la façon dont ils étaient enseignés en médecine et a créé un site pour mieux faire les faire comprendre.
Depuis quand êtes-vous atteint de schizophrénie ?
Depuis l’âge de 3 ans… Je n’ai pas de souvenir de moi non malade. Si je n'étais pas schizophrène, j'avais déjà un profond mal être, dès cet âge-là je commençais à avoir de la parano, à avoir l'impression que j'étais démoniaque et que les autres pouvaient ressentir que j'étais démoniaque.
En avez-vous parlé à vos proches, enfant ?
Non, croyant que le mal-être profond que je ressentais était démoniaque, j'avais peur de les contaminer, et de les rendre aussi très malheureux.J'avais cette culpabilité. Je savais que ces ressentis étaient fous, mais je ne pouvais faire autrement que de les avoir. J'avais honte de mes pensées que je sentais comme étant graves aux yeux des autres, du coup, je n'ai témoigné de cela à personne.
En en grandissant, avez-vous pu en parler davantage ?
Non. Les personnes déclarant une schizophrénie plus tard se rendent compte que ce n'est plus comme d'habitude, et elles peuvent alors être amenée à consulter.Dans mon cas, j'avais peur d'avoir une maladie très grave qu'on ne pouvait pas soigner. Et je craignais qu’elle me pousse un jour à faire du mal aux autres, c'est pourquoi je ne voulais pas en parler à mon médecin, de peur de me faire définitivement enfermer.
Pourquoi craigniez-vous alors de devenir dangereux ?
Sur le site que j'ai créé, j’ai justement fait un grand chapitre pour défaire les idées reçues sur la schizophrénie, en particulier pour les soignants. Les cours magistraux en médecine font passer les patients pour des gens insensés… https://www.schizophrenie-symptomes-temoignage.ovh/symptoms/message-pour-les-etudiants-en-medecine-infirmier-en-psychologie-ou-tout-a-chacun-pour-clarifier-les-idees-recues-sur-les-personnes-schizophrenes/En réalité, quelles que soient les idées, les intuitions folles, qui paraissent très étranges, pour pas mal de schizophrènes il y a une retenue de faire du mal aux autres toujours présente. L’empathie et la culpabilité envers les autres sont même souvent extrêmement exacerbées du moins pour moi et pour ceux que j’ai rencontrés : même extrêmement en colère contre certains, je n’allais certainement jamais leur faire du mal.
Qu’est-ce qui pourrait selon vous changer cette représentation fausse de la schizophrénie ?
Mieux expliquer les symptômes, justement pour faire changer le point de vue sur la maladie. J’ai consacré sur mon site un chapitre sur l'empathie et la schizophrénie. Je pense que contrairement à ce qu’on dit, la schizophrénie ne diminue par l’empathie, elle l’augmente.On décrit les schizophrènes comme insensibles, ayant du mal à comprendre les autres mais si je me réfère à comment fonctionne l’empathie et la compassion chez moi, c’est l’inverse contrairement à l’idée reçue.
Vous pensez ressentir de l’empathie mais ne pas réussir à la communiquer ?
L'empathie, c'est la capacité à partager ce que ressentent les autres dans certaines situations et pour cela, nous puisons dans notre propre vécu et ce que l'on ressentirait à la place de la personne. Pour moi, les patients atteints de schizophrénie sont empathiques et essayent de se mettre à la place des autres, mais comme leur propre ressenti n'est pas commun, leur interaction avec les autres est bloquée.
Imaginons par exemple qu’une personne aille à une fête qu'elle va apprécier. En principe, on devrait heureux pour elle car on serait content à sa place.
Mais voilà, moi, lorsque je n'avais pas de traitement, mon ressenti était très différent. Quand j’allais à une fête, j’avais peur des gens, je me sentais gêné, j’avais honte de ne rien dire, ne sachant quoi dire, je m’imaginais que ce que je pouvais dire passerait pour nul, débile ou grave et honteux, j’étais à moitié tétanisé, coincé dans un coin de la salle, en ayant peur de passer pour le nul, le tordu, le fou de la soirée.
Du coup il m’était impossible de partager le plaisir d’une personne qui me disait être contente d’aller à une fête. Je n’arrivais même pas à concevoir que ça soit possible tellement ma souffrance dans cette situation était intense. Ne ressentant absolument pas le bonheur de cette personne, je ne pouvais pas interagir avec elle, en lui répondant par exemple que j’étais content pour elle.
Heureusement, grâce au traitement tout cela est assez bien rentré dans l'ordre.
Comment avez-vous finalement accédé à une prise en charge médicale ?
En première année de médecine, le petit copain d'une amie m'a incité à fumer du cannabis lors d'une soirée. J'ai hésité, mais il a été tellement insistant que j'ai cédé. Le joint était très concentré, et comme le cannabis ne me convient pas, j'ai eu dans la semaine où j'ai fumé une très grosse crise d'angoisse. Elle m'a poussé à consulter aux urgences et à avoir un traitement.Qu’est-ce qui vous a amené à créer un site sur la schizophrénie ?
Lors de mes études, je me suis rendu compte que les soignants comprenaient souvent assez mal ce que pouvaient ressentir les patients atteints de schizophrénie. Sur ce site, derrière chacun de mes symptômes il y a le témoignage de ce que je ressentais, faisant ainsi comprendre que derrière un comportement un peu particulier, un symptôme, il y a des idées, des pensées qui ont leur rationalité et peuvent être comprises.J'image que ce genre de témoignage sur les symptômes peut aussi intéresser les gens curieux de comprendre ce qu'est la schizophrénie, ça me fait plaisir de les partager;