Repérer les premiers signes est important
La maladie est diagnostiquée en France avec 5 à 7 ans de retard. La prévention et la précocité du diagnostic étant très importantes pour limiter les conséquences de la maladie et le handicap induit, il est primordial d’en connaître ses premiers signes et d’avoir une prise en charge le plus rapidement possible.L’entrée dans la maladie peut prendre des formes très variées.
Les troubles schizophréniques apparaissent le plus souvent à l’adolescence. Ils peuvent se manifester par une bouffée délirante aigue ou bien un trouble dépressif. Ils peuvent aussi apparaître à la suite de prise de drogues hallucinogènes par l’adolescent.
Généralement, c'est quand des comportements, attitudes ou pensées bizarres ou délirants sont flagrants pour l'entourage que la nécessité de consulter, voire d'hospitaliser, s'impose.
Attention : A ce stade, la maladie n'en est plus aux signes précurseurs et il est alors fréquent que le jeune n’ait pas la pleine conscience de ses troubles, ce qu’on appelle le défaut d’insight. Il est cependant en souffrance et en danger. Il s’agit d’une situation d’urgence.
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Bouffée délirante aigue et schizophrénie : parfois un lien…
La bouffée délirante aigue (ou BDA) est une apparition brutale d’épisodes délirants chez un jeune auparavant sans problème.Ces crises durent de quelques heures à plusieurs semaines et peuvent se résorber lentement ou brutalement.
Elles peuvent aussi, dans certains cas, marquer l’entrée ou le risque d’entrée dans une maladie psychotique : schizophrénie, troubles bipolaires…
La BDA appelle une consultation d’urgence. Elle requiert un suivi et une évaluation du risque dans les mois qui suivent.
Les signes précurseurs
Les troubles apparaissent de façon progressive et insidieuse, et faute d’informations, l’entourage les met sur le compte d’une crise d’adolescence. D'autant plus que, parfois, ces signes d'alerte apparaissent en continuité de traits de caractère présents depuis l'enfance. Des études suggèrent en effet que des "symptômes de base" présents très précocément, comme par exemple une réactivité émotive accrue au quotidien et dans les interactions sociales courantes ou des difficultés de concentration peuvent être annonciateurs d'un risque particulier de développement de la maladie.
- Il a des insomnies fréquentes et importantes (endormissement au lever du jour).
- Il semble d'humeur dépressive, triste.
- Il manifeste de l’anxiété.
- Il est souvent fatigué, se lève difficilement le matin.
- Il communique peu ou moins avec son entourage.
- Il a une attitude de repli sur lui-même et voit peu ou moins ses amis.
- Il a tendance à rester isolé dans sa chambre sans rien faire.
- Il semble souvent « ailleurs », ne pas avoir entendu ce qu’on lui a dit, ou seulement la fin de la phrase.
- Il garde souvent ses écouteurs ou son casque audio sur les oreilles.
- Il semble ressentir peu de plaisir et être démotivé.
- Il se désinvestit de ses activités et ses loisirs.
- Il a du mal à se concentrer longuement.
- Il présente des difficultés scolaires nouvelles (baisse de résultats, absentéisme).
- Il a des troubles alimentaires.
- Il fait état d’idées suicidaires.
- Il a tendance à se négliger (hygiène, apparence).
- Il se plaint de problèmes de santé diffus, mal définis.
- Il manque de patience, a des réponses facilement excédées ou disproportionnées.
- Il consomme plus de tabac, de cannabis, d’alcool ou d’autres substances.
- Certains de ses comportements ou décisions sont peu compréhensibles.
- il fait des déclarations étranges, des raisonnements bizarres qui passent pour un excès d’imagination ou de l’originalité.
- Il se prend d’engouement soudain pour des idéologies ou des sciences occultes.
Evidemment, ces comportements pris isolément ou observés ponctuellement sont la plupart du temps les symptômes et malaises d’une adolescence banale. Néanmoins, si plusieurs signes sont présents, qu’ils durent dans le temps, les proches ne doivent pas les négliger ni les banaliser : il est important d’aller consulter un spécialiste.
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Les premiers signes vus par les psychiatres
• Interview du Dr Julie Bourgin-Duchesnay
Julie Bourgin-Duchesnay est psychiatre à l’hôpital Louis Mourier de Colombes, dans les Hauts-de-Seine.
Avec une mère neurologue et spécialisée dans l’épilepsie, elle a effectué ses études de médecine à l’Université de Rennes puis à Brest où elle a étudié les causes de suicide chez les jeunes. Elle est ensuite partie à Paris dans le service hospitalo-universitaire des Pr Krebs et Pr Gaillard à l'hôpital Sainte-Anne pour effectuer des recherches sur les effets du stress et s’est intéressée à la schizophrénie.
Elle travaille au quotidien sur le repérage de la maladie et anime l’Astrolabe, une structure accueillant les adolescents souffrant de troubles psychiques ouverte à la fin de l’année 2016 dans le service du Pr Caroline Dubertret.
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Quels sont les premiers signes visibles de la schizophrénie ?
Concrètement, comment ces signes se traduisent-ils au quotidien ?
Deuxième point, la chute des résultats scolaires peut être un reflet des perturbations cognitives avec des troubles importants de la concentration. Pris isolément, ces troubles de la concentration pourraient faire penser à un Trouble de Déficit de l’Attention ou de l’Hyperactivité (TDAH) ou à une bipolarité. Mais c’est plus complexe que ça.
Des plaintes d’inquiétude et d’irritabilité peuvent apparaître. On peut aussi ajouter un sentiment de méfiance et de bizarrerie du contact, quand vous ne comprenez plus le rationnel derrière le mal-être de votre enfant. Lorsque vous avez l’impression qu’il tient un discours sur le mal-être que vous avez du mal à suivre, qui est un début de rationalisation de phénomènes bizarres avec lesquels l’adolescent est aux prises et qu’il essaie de rationnaliser de façon vaine… « C’est parce que la société est ainsi, parce que les profs sont comme ça… » Le fait de légitimer un début de marginalisation est tout de même inquiétant.
Après avoir observé ces premiers signes, que faire en cas de doute pour mon enfant ?
Je pense qu’il ne faut pas penser à la place du psychiatre. C’est l’erreur commune en psychiatrie. C’est-à-dire qu’il y a souvent l’avis de la tante, de la meilleure copine… Tout cela empêche l’accès aux soins car tout le monde a son avis. L’erreur grave est là. A un moment donné, il faut se référer à un psychiatre. Ce dernier n’a jamais rendu malade !
• Interview du Pr Marie-Odile Krebs
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Quel est le message à faire passer aux familles dès qu'elles notent des signes qui les inquiètent ?
Donc, c’est vraiment crucial, on améliore le pronostic de façon radicale.
• Le point de vue des psychiatres : autres ressources
La brochure de la Société Québecquoise de Schizophrénie
Un document canadien, clair et dédramatisant sur le premier épisode de psychose.
Schizophrénie : l'importance de la prise en charge précoce (1mn15).
Le docteur David Gourion explique qu'il faut intervenir rapidement après le premier épisode psychotique.
Pour en savoir plus : bibliographie sur les 1ers signes de la schizophrénie
Les premiers signes par ceux qui les ont vécus
• Les premiers signes vus de l'intérieur : témoignages de personnes malades
« Le sentiment d’être surveillé », c’est ce qu’a ressenti Gilles, 35 ans, qui a été diagnostiqué schizophrène après un épisode professionnel très stressant. Sophie, 24 ans, a, elle, éprouvé une forme de repli sur soi et « une sorte de paranoïa» qui est allée en s’aggravant.
Gilles
"Chez moi, au départ, la schizophrénie est un délire de persécution. Souvent les gens pensent que c’est un dédoublement de la personnalité mais ce n’est pas du tout ça. Chez moi, c’était vraiment un sentiment d’être surveillé et écouté en permanence. J'avais l'impression qu'il y avait des caméras partout et que les gens que je rencontrai qui avaient des écouteurs étaient là pour m'écouter."
"Progressivement j'ai eu des hallucinations auditives. J'entendais des voix. Je pensais que c'était la réalité, je cherchais quelque chose de rationnel en pensant que quelqu'un avait caché des micros et des émetteurs dans ma veste, dans les murs de mon appart. La crise vient progressivement. Au bout de cinq nuits sans dormir, je me suis rendu aux urgences en leur demandant de regarder s'il n’y avait pas un micro-émetteur dans mes oreilles."
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Sophie
"Je m’isolais dans ma chambre, je pensais qu’il y avait des odeurs nocives pour la santé. J’ai descendu le matelas, je suis descendue à la cave. J’avais des pensées délirantes comme cela, en fait. Et après, quand j’étais dans ma cave, je pensais que des gens me voulaient du mal...
"Cela s’est accompagné d’une sorte de paranoïa, je pensais qu’on me voulait du mal, les gens autour de moi, dans la vie de tous les jours. En même temps, je n’avais pas besoin des autres, j’avais une vie intérieure très riche, je me suffisais à moi seule."
"Quand je suis partie habiter toute seule dans une maison, je faisais n’importe quoi, je dormais à des heures improbables, et j’avais des idées folles comme quoi mes voisins m’épiaient, et c’est là que j’ai été hospitalisée à la demande de mes parents."
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• Les premiers signes vus de l’extérieur : témoignages de parents et de proches.
Joséphine, comme Corinne, ont chacune vu chez leur fille des signes de l'apparition de la maladie. Mais, comme la plupart des parents ou proches, il leur a fallu du temps pour qu'elles les relient entre eux et se rendent compte qu'il ne s'agissait pas de difficultés passagères. « Lorsque Marine a eu de moins bons résultats en troisième année de licence, elle avait 22 ans et je me suis dit que redoubler sa licence n’était pas très grave. Je n’ai pas relié cela tout de suite au fait qu’elle n’allait pas bien. Cette année-là, elle a dit qu’elle a été harcelée sur Internet. Dans la rue, elle disait qu’on l’avait reconnue. Mais mon mari et moi n’avons pas fait tilt. »
« L’année de redoublement de sa licence, elle a pris beaucoup de poids, elle mangeait n’importe comment, elle prenait moins soin d’elle. Comme elle était un peu plus ronde, elle s’habillait un peu moins bien. Ces petits signes, je les ai mis au départ sur le compte d’une petite dépression. »
« Je lui en parlais, je lui demandais d’aller voir quelqu’un et elle me répondait : « oui, oui, je peux me débrouiller ». Elle a commencé à avoir un sommeil assez perturbé, en tout cas, inversé, elle vivait plutôt la nuit que le jour, elle disait que c’était normal, que la nuit, elle pouvait se concentrer, qu’il n’y avait pas de bruit, que c’était de son âge. »
« Elle ne voyait plus ses amis, il y avait peut-être une partie de délire. Elle s’est refermée un peu, comme c’est une fille assez timide, en première année, elle s’était refait un groupe. Mais quand elle a changé de ville, elle a vu une personne ou deux mais pas plus. Surtout, il y a eu perte de contact avec ses amis anciens, notamment les filles. Mais, encore une fois, c’est quelque chose que je n’avais pas particulièrement noté à l’époque.
Nous avons également remarqué dans son studio que c’était un bazar pas possible, de la vaisselle avec du moisi pendant plusieurs semaines.
Autre chose étrange : elle avait racheté trois bouteilles de shampoing alors que la première n’était pas terminée. Elle avait quatre boîtes de thé. Alors, soit sa mémoire commençait un peu à être différente, soit c’est un long processus que je n’ai pas encore identifié complètement. »
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« Je pense que le trouble de Sophie a dû commencer vers 15 ans. Les premiers signes que j’ai trouvés inquiétants ont concerné le retrait social de Sophie. Du jour au lendemain, il y a eu une coupure, elle n’avait plus de camarade de classe. Puis ça a été un retrait envers ses sœurs puis ses parents, avec des comportements parfois violents. Un jour, elle est entrée dans la chambre de sa sœur et a arraché les photos de famille qu’elle avait ainsi que des vêtements. Il y avait des comportements incompréhensibles, elle ne savait pas ce qu’elle faisait. »
« En dehors de ce retrait social, elle nous a raconté d’autres manifestations. Quand elle avait 15 ans, elle était fan d’un groupe pop et séchait les cours pour aller voir ce groupe. Elle racontait des choses un peu étranges. Elle était convaincu que le chanteur lui faisait des signes vers elle, faisait des cœurs. J’essayais de relativiser les choses et cela partait en conflit parce que je ne rentrais pas dans son jeu, entre guillemets, car ce n’est pas un jeu. C’était des motifs de dispute. »
« Elle passait aussi le plus clair de son temps dans sa chambre, les volets fermés, elle n’était plus présente du tout dans le cadre de la famille. On pensait que c’était une adolescence difficile. Les conflits étaient tellement forts qu’on a décidé de l’installer dans un studio un peu avant ses 18 ans. A partir de ce moment-là, elle n’est plus retournée en cours et a commencé à avoir une inversion totale de son rythme de vie. »