Folie et créativité, une histoire de famille ...
Raphael Gaillard, professeur de psychiatrie et chef du pôle hospitalo-universitaire de l'hôpital Sainte-Anne, interroge le lien entre folie et créativité dans un essai qui vient de paraître aux editions Grasset sous le titre «Un coup de hache dans la tête. Folie et créativité ».
Éditions Grasset
Collection Essais et documents
Parution : 5 Janvier 2022
EAN : 9782246829577
EAN numérique: 9782246829584
L'avis de Bénédicte Chenu de notre Collectif
Depuis toujours il existe une tendance à lier folie et créativité comme si l’un n’allait pas sans l’autre. Pourtant dans son vaste essai, « Un coup de hache dans la tête », le professeur Raphaël Gaillard nous explique à la lumière de son expérience de psychiatre que ces affections freinent la créativité. En effet, comment faire acte de création quand le cours de notre pensée patine, comment élaborer une pensée au moment où la mémoire nous fait défaut quand l’angoisse nous tétanise ?. L’exercice du psychiatre est de libérer le patient des maux qui l’empêchent de faire acte de pensée.
C’est à partir de récentes études scientifiques conduites en Islande*, qu’il devient possible de mettre fin à cette contradiction : la potentialité créatrice se situerait dans la famille, chez les parents, les frères et sœurs. Si on est porteur des gènes vulnérables aux troubles psychiques, la probabilité d’être créatif, designer ou chercheur est plus élevée. Notre ADN nous rend vulnérables aux troubles psychiques en même temps qu’il nous permet des prouesses. Notre cerveau est un organe perfectionné, il peut « bugger » « dérailler », c’est la maladie psychique, le prix à payer d’être un humain nous explique Raphaël Gaillard.
Comment expliquer que les troubles psychiques soient toujours aussi fréquents, alors qu’ils touchent les jeunes avant l’âge de procréer, entrainent une diminution de l’espérance de vie, augmentent le taux de suicide avec le poids de la stigmatisation qui freine l’accès aux soins ? Cette question viendrait contredire la théorie de Darwin sur la sélection de l’espèce, y-a-t-il un avantage à vivre avec un trouble psychique ?.
Dans son service de psychiatrie, le clinicien est aux premières loges pour témoigner du dérèglement psychique comme source de grande souffrance, qui entrave la création, l’acte même de penser. Faire l’éloge de la maladie à travers la fascination pour le génie créatif banalise la réalité vécue des patients, nous rappelle le spécialiste.
Avec des meilleurs de soins, l’oeuvre picturale de Vincent Van Gogh aurait-elle été différente, encore plus importante ?.
Si les troubles psychiques sont le prix à payer pour ce qui fait de nous des êtres humains, notre mobilisation pour lutter contre leur exclusion doit redoubler d’efforts pour le salut de notre humanité. *Power, RA et al., Polygenic risk scores for schizophreniea and bipolar discorder predic creativity, Nat Neurosci, 2015.