Assises de la santé mentale et de la psychiatrie : quelles conclusions ?
Annoncées par le Président de la République en janvier dernier, les « assises de la santé mentale et de la psychiatrie" se sont tenues le 27 et 28 septembre.
Elles ont été l’occasion d’entendre parler des troubles psychiques avec un peu plus d’écho qu’habituellement et de souligner l’inadéquation entres les besoins, accrus avec la montée de la souffrance psychique dans la population avec la crise sanitaire, et les réponses apportées par le système de soins.
Nous avions émis un certain nombre de remarques sur l’organisation de ces assises et sur le programme, qui réservait l'essentiel du temps de parole aux seuls psychiatres.
A l'issue de ces journées, un certain nombre d'annonces ont été faites par le Président de la république.Le ministère des Solidarités et de la Santé a rédigé sur ces assises un important dossier de presse consultable ici. Il reprend en page 13, les principales mesures annoncées.
Nous accueillons très favorablement des innovations et mesures porteuses de progrès, en particulier :
♦ Le déploiement de la formation aux Premiers Secours en Santé Mentale ( PSSM)
Même modeste, il s'agit d'une contribution importante à une meilleure information de la population aux troubles psychiques et à la réduction de la stigmatisation des personnes qui en souffrent.
>> En savoir plus sur les PSSM
♦ Les moyens supplémentaires pour la prévention, la détection précoce, une meilleure prise en charge des enfants et des jeunes
♦ La création d’un numéro d’urgence psychiatrique en vue de prévenir le suicide, le 3114
Confidentiel et gratuit, avec des professionnels qui répondent 24h/24 et 7j/7, le 3114 n’est pas un nième « numéro vert », mais l’aboutissement d’un travail engagé depuis des années avec tous les acteurs de la prévention du suicide. Il constitue un dispositif national complet adossé à des hôpitaux et urgences.
Peut-être ce dispositif pensé pour la prévention du suicide pourrait-il évoluer ou être utilisé pour les autres urgences psychiatriques ? Notamment quand une personne en souffrance ou en crise, ne veut pas se rendre à l’hôpital, et que l’entourage se retrouve démuni, invité à attendre une aggravation de la situation ou à appeler les forces de l’ordre, situation malheureusement courante.
♦ La création de l’institut de stimulation cérébrale par le GHU Paris Psychiatrie et Neurosciences, l’INSERM et l’ESPCI.
Sollicité par le GHU Paris, le Collectif Schizophrénies avait apporté son soutien à ce projet. Nous l’avions souligné dans notre rubrique consacrée à la recherche, les moyens allouées à la recherche en psychiatrie sont à la fois trop faibles et éclatés, alors que la France dispose d’atouts spécifiques et d’équipes engagées. L'annonce d'un effort d'investissement est donc une bonne nouvelle. Dans un contexte où les traitements médicamenteux actuels ne sont pas toujours efficaces et engendrent souvent des effets secondaires importants, la neurostimulation constitue une voie de recherche porteuse d'espoir qui pourrait constituer une véritable révolution thérapeutique.
>> En savoir plus sur ce projet
Nous saluons le principe de la prise en charge de séances de psychologues tout en nous interrogeant sur les modalités annoncées
L’accès à des séances de psychologues remboursées constitue une avancée demandée de longue date par les associations. Les psychologues peuvent avoir un rôle fondamental dans le rétablissement d’une personne qui souffre de schizophrénie. En dehors du soutien psychothérapeutique, souvent indispensable pour aider les patients face à la maladie et leurs difficultés de vie quotidienne, les psychologues sont les principaux professionnels engagés dans des interventions thérapeutiques efficaces telles que la remédiation cognitive, l’éducation thérapeutique, la psychoéducation des familles... Toutefois, il faudrait des améliorations sur deux points :
- le statut et la formation des psychologues : actuellement, le diplôme de psychologue recouvre des formations hétérogènes, au contenu parfois insuffisant au plan des approches cliniques et thérapeutiques. De plus, en l’absence d’ordre professionnel et de code de déontologie, des psychologues pratiquent sans qu’un cadre d’exercice garantisse la confidentialité et la qualité des soins pour la personne prise en charge. Ces points ont été longuement soulignés par l’IGAS dans son rapport consacré à la question en 2019.
- la subordination à une prescription médicale, le cadrage du nombre et de la durée des séances et leurs tarifs : les psychologues devraient, s’ils sont reconnus comme des professionnels de santé, être en mesure de déterminer les besoins, la durée et le nombre de séances. On manque d’autre part de psychologues formés aux outils utiles pour la prise en charge de la schizophrénie et plus généralement de neuropsychologues (titre qui d’ailleurs ne relève pas d’un diplôme d’Etat). Compte tenu des tarifs de remboursement (40 € pour la 1ère séance puis 30 € pour les suivantes) inférieurs aux pratiques, ils risquent de préférer ne pas se conventionner.
Nous attendons toujours une refondation de la psychiatrie
La psychiatrie est dotée d’un peu plus de moyens - dans des proportions limitées (pour la psychiatrie adulte, 400 postes équivalent temps plein sur 3 ans alors qu'il y a 1800 CMP) - et l'importance du rôle des infirmiers en pratiques avancées (IPA) est reconnue. Mais ces assises n’ont pas amorcé la refondation attendue.
Pourtant, des réformes du système de soins en profondeur étaient jugées indispensables par de nombreux acteurs, y compris par l’association des jeunes psychiatres et jeunes addictologues AJPJA . Qui rappelle que 13% des postes d'internes en psychiatrie ne sont pas pourvus, faute d'attractivité de cette spécialité.
Le peu de mentions, au cours de ces deux journées d’échanges, de démarches innovantes (case-management, équipes mobiles, pair-aidance, job coaching, soutien de l’entourage…), l’absence de référence au rétablissement des patients, d’appel au renouvellement des pratiques de soins et de renforcement des capacités et de la qualité de l’accompagnement au long cours laissent difficilement espérer des améliorations substantielles de la vie des personnes touchées par une schizophrénie.