Paul
« La porte s’ouvre sur un hall, on est accueilli par des gens habillé en blanc, je me sens rassuré, l’atmosphère qui m’habitait dans la voiture retombe, c’est un autre milieu, mes pensées changent.
Je suis toujours aussi tendu, je ne dors plus depuis trois jours.
L’intérieur de mon corps lui, va exploser. Mon âme va faire exploser ce corps dans lequel elle ne peut plus être contenue. Je sens qu’elle est comme déchiquetée par des milliers de pensées que je ne contrôle plus. Je perçois en moi la source de ces pensées. Mais malgré cette lucidité, mon agitation mentale est un puits sans fin qui déborde et me détruit.
Dans ce hall, ma femme pleure, elle est très triste. Son frère lui essaie de gérer la situation. Ils parlent avec les gens en blanc. Je sens que je suis l’élément central de ces discussions mais n’en ai pas assez conscience. Je sens bien aussi que maintenant je suis en sécurité, mais je vis les événements de deux manières bien distinctes.
Une partie de moi, lucide, sais que c’est le début d’une guérison, et l’autre partie ne se pose aucune question et enchaîne les évènements avec une grande rapidité.
Ca y est, leur discussion semble terminée. Un bonhomme, petit, cheveux bruns, vient à notre rencontre et nous emmène tous les trois avec une dame dans une petite pièce. »
Olivier
« J'ai été hospitalisé une quinzaine de fois, toujours en clinique privée. Je suis allé en hôpital psychiatrique une fois, ce qui m'a permis de comprendre que mon état n’était pas aussi critique que ce que je pouvais penser. J'y ai rencontré des patients dans leurs délires, des malades chroniques qui étaient, les pauvres, hors de la réalité.
Cela m'a permis de comprendre que je n’étais pas un cas sans espoir et j'ai admis de me remettre en question. J'ai peur des hôpitaux psychiatriques et je préfère de loin le cocon protecteur qu'une bonne clinique privée ou maison de repos peut me donner. Que cela soit en région parisienne ou même dans mon département. Je garde en tête que je suis protégé par la clinique qui me prodigue des soins adaptés et où je ne suis pas traité comme un cas où un malade lambda. Je ne porte pas de jugement mais j'ai mes habitudes. »
Jean-Marc
« Ce qui m’a le plus aidé pendant mon hospitalisation a été le fait de rencontrer des personnes qui ont la même maladie que moi, qui ont connu des situations assez dramatiques alors que je croyais être le seul au monde à être malheureux, triste et seul, d’avoir des boulets au pied et toute cette maladie qu’on traine comme un sac-à-dos de militaire. J’ai croisé des soignants qui étaient vraiment humains et d’autres un peu moins humains. »
Caroline
« Depuis 2013 jusqu'à aujourd'hui j’ai été hospitalisée sept fois, dans quatre hôpitaux différents. J'ai toujours été dans des services fermés. Bizarrement je me suis très vite adaptée dans ces différents établissements. Je me suis adaptée aux règles et à la façon de fonctionner du personnel soignant. En psychiatrie il y a un rythme à suivre. On se lève chaque matin à la même heure, on prend nos repas toujours à la même heure, on fait des activités toujours à la même heure, on prend nos médicaments toujours à la même heure, enfin on se couche toujours à la même heure. J'avais l'impression que tout était chronométré.
La seule fois où j'ai été en hospitalisation sous contrainte, je me souviens que je me suis sentie très mal durant cette hospitalisation. Je ne me sentais plus humaine. J'avais l'impression de plus avoir aucun droit, d'être une moins que rien. Au début j'étais en colère contre mes cousines. Mais après j'ai compris qu'elles s'inquiétaient pour moi et qu'elles avaient fait cela pour mon bien.
Après cette hospitalisation imposée j'en ai vécues trois autres. Mais que j'avais choisi, conseillée par mon psychiatre miracle. La dernière avait pour but la mise en place de mon traitement par injection. Après environ une hospitalisation par an depuis 2013, je n'en ai faite aucune en 2018. Une victoire pour moi. »
Gilles
« Ce qui n’est pas facile, c’est que tu es vraiment enfermé et que ta vie est réglée comme du papier à musique. Tu te lèves le matin, tu prends ton petit-déj, à dix heures, on te donne le goûter, à midi, c’est le repas. C’est vraiment rythmé par les repas. Il y avait des tables de ping-pong, donc on jouait au ping-pong quasiment toute la journée ou aux cartes. Après quelques jours, j’ai eu la possibilité d’aller à la cafétéria avec le personnel soignant. Aller à la cafétéria, c’est la sortie de ta journée, alors hein… Au bout de quelques jours, ce n’était pas évident. »
Isabelle
« Comme les voix étaient très fortes, j’ai décidé de me faire hospitaliser au bout de trois mois. Je suis resté dix jours à l’hôpital. Cela m’a fait du bien car le traitement qu’ils m’ont donné les trois premiers jours m’a fait énormément dormir.
Ensuite, le fait de passer dix jours loin de chez moi m’a fait du bien. En plus, l’ambiance était assez sympathique avec l’équipe et les patients. Cela m’a fait du bien. Mais j’aurais pu éviter l’hospitalisation en apprenant à gérer mes voix dès le début de ma prise de médicaments, en 2010. Parce qu’au moment de l’hospitalisation, j’étais un peu démunie. Je ne savais pas quoi faire avec mes voix, j’avais peur des voix, c’est pour cela aussi que j’ai choisi de me faire hospitaliser. »
Alessia
« J’étais très bien installée dans une chambre spacieuse et individuelle. Là-dessus, rien à redire. Un premier entretien s’est déroulé avec quatre ou cinq personnes : le chef de service, deux psychiatres, un interne, un ou deux stagiaires : deux médecins posaient des questions, un ou deux notaient tout ce que je disais et l’un m’observait !
Les médecins ont instauré immédiatement un nouveau traitement avec un nouvel antidépresseur, et ils ont ajouté un neuroleptique. Je me suis étonnée de la mise en place d’un neuroleptique. Les médecins m’ont répondu que cela allait permettre de renforcer l’efficacité de l’antidépresseur.
Très vite, je me suis plainte car je me sentais dans un état bien pire : sans aucune envie, apathique, couchée quasiment toute la journée, ne faisant rien de mon temps (aucune lecture, aucune écriture). Je n’avais envie de rien et passais mes journées alitée à entendre (plus qu’écouter) France Culture sur un petit poste de radio. Je n’étais plus autonome... et me sentais incapable de rentrer chez moi ! Mon état s’est donc dégradé à Sainte-Anne.
Mes amis, ma famille ne me reconnaissaient plus : J’étais vraiment devenue une autre Alessia : un vrai légume ! »
Corinne
« La première fois que Sophie a été hospitalisée sous contrainte à Villejuif, nous avons demandé à la faire sortir au bout d’une semaine tellement nous étions traumatisés, malheureux par ce lieu, d’une violence énorme… A l’époque, on pouvait le faire, mais maintenant ce n’est plus possible car il y a un juge qui intervient. »
Charlotte
« J’ai d’abord été hospitalisée à Tahiti pendant une dizaine de jours avant d’être transférée à Bayeux. Les médecins de Tahiti disaient que j’allais sortir rapidement. J’ai finalement été hospitalisée deux mois à Bayeux. J’ai vraiment eu le sentiment d’aller mieux et d’avoir été aidée en sortant de l’hôpital après le diagnostic, en décembre 2018. En effet, quand j’étais à l’hôpital, je pense que j’étais encore trop mal pour comprendre que je devais y rester. Le pire sentiment d’enfermement a été au Rouvray, à Rouen, car il n’y avait rien pour se divertir ou réfléchir sur place. J’avais le sentiment de perdre mon temps et que je ne m’en sortirais pas si je ne pouvais pas être sollicitée intellectuellement. J’ai alors commencé à lire et à dessiner pour me sentir mieux. »