Anne-Marie
« J’ai retravaillé à temps partiel entre mes hospitalisations car j’étais en mi-temps thérapeutique puis j’ai été reconnue comme handicapée qui me donnait le droit de travailler à mi-temps. Mais vu mon état de santé, je ne supportais pas la pression mais, malheureusement, le patron voyait en nous, les handicapés qui travaillent, qu’ils n’ont pas à payer de charge et ils nous mettent la pression comme les autres salariés. »
Sophie
« J’ai un petit travail, je fais quatre heures par semaine dans la comptabilité bien que je ne l’ai pas vraiment étudiée. Je suis allée jusqu’au bac ES que j’ai eu. Je travaille deux heures le mercredi matin et deux heures le vendredi matin. Et quand je ne travaille pas, je suis dans un hôpital de jour avec d’autres patients. »
Aline
« Entre mes hospitalisations, j’ai travaillé en tant que travailleuse handicapée, à mi-temps et dans une entreprise protégée donc financée par le Conseil départemental. Sur les six ans, j’ai été deux fois en arrêt maladie pour finalement être licenciée pour inaptitude au poste de travail car j’étais quelqu’un de compétente, objectivement parlant mais très perfectionniste. Et ce perfectionnisme me jouait des tours dans la mesure où la pression que je me mettais était si grande que lorsqu’on me donnait un temps de travail limité en ajoutant : « Et attention, il doit être bien fait, je paniquais, je perdais mes moyens ».
C’était la pression de trop même si, objectivement, ce n’était pas grand chose. Et je finissais par rendre quelque chose dont je n’étais pas satisfaite. C’était pour moi un échec personnel et cela m’entretenait dans une dévalorisation de moi-même et une dépression que je ne pouvais plus gérer. Pour avoir droit aux subventions, les salariés devaient être plus autonomes, les exigences augmentaient. J’ai très mal vécu cela, de devoir se résigner au fait que je ne pouvais pas travailler. »
Jérôme
« J'étais salarié dans une entreprise et le directeur a changé. L'ancien directeur avait compris que j'étais atteint de troubles psychiques mais il a su me soutenir et me faire travailler tel que j'étais pendant 5 ans. Le nouveau a lui aussi compris que j'étais malade mais il a considéré que la solution était de me licencier pour inaptitude médicale au poste et pour ce faire m'a envoyé voir le médecin du travail avec lequel il s'était entendu.
Lors, de ma rencontre avec le médecin du travail celui-ci m'a dit avec un petit sourire : "Vous vous doutez bien de la raison pour laquelle nous nous voyons aujourd'hui ?" sous entendu "pour votre licenciement ...."
Ben non, j’espérais son soutien… »
Jérôme, 35 ans, atteint de schizophrénie
Olivier
« J'ai eu une longue errance professionnelle car j'ai du mal à m'inscrire dans un processus continu. Cependant j'ai pu faire une mise en situation professionnelle en ESAT (établissement et service d’aide par le travail) au mois de janvier 2019, pour laquelle j'attends une réponse de la MDPH (maison départementale des personnes handicapées).
Mon travail est d'être serveur en restauration traditionnelle. J'ai adoré me replonger dans le travail, surtout dans un milieu protégé. C’est ce que l'ESAT m'a permis de faire car ils sont à même de comprendre qu'un jour je ne puisse pas venir à cause de la maladie ou d'une crise d'angoisse, ce que je ne souhaite pas.
Si la réponse de la MDPH est positive, ce que j’espère de tout cœur, je travaillerais à mi-temps. Le plus difficile pour moi c'est la récupération car je suis vite fatigué, à cause, très certainement, des traitements et aussi car je donne beaucoup de ma personne quand je travaille. J'aime me rendre utile, pour les autres mais aussi pour moi-même. Cela me donne un but et aussi une échappatoire. »
Charlotte
« J’ai dû changer de poste, suite à mon hospitalisation, pour un poste moins stressant, et je viens de terminer ma période de mi-temps thérapeutique pour reprendre à temps plein. Le fait d’être assise devant un bureau en permanence est difficile pour se concentrer. C’est une difficulté que je rencontrais déjà par ailleurs. Mais je commence à me sentir plus à l’aise pour organiser mon travail. J’ai eu des doutes à savoir si je voulais continuer dans ce domaine ou non, et éventuellement changer pour un emploi plus dynamique comme enseignant. »
Jean-Marc
« Je ne travaille plus car j’ai très bien compris que travailler dans une entreprise normale, c’est impossible. Mais il n’est pas dit qu’un jour, je ne remettrai pas le pied à l’étrier, dans le monde professionnel. D’ailleurs, j’ai fait beaucoup de bénévolat avec Espoir 54 et j’ai repris beaucoup de plaisir à être utile à la société, utile aux autres et puis utile pour moi et avoir une certaine fierté à me lever le matin à me dire : « je vais faire quelque chose ». La vie ne s’arrête pas au prononcé d’une quelconque maladie. Il y a des centres de post-cure qui peuvent vous aider, il y a des psychiatres et des soignants, il y a des associations et la vie continue et on lui doit de la vivre. Elle devient merveilleuse car on rencontre des gens qui sont, malgré leur handicap, peut-être plus humains que certains qui n’en ont pas. »
Joséphine
« Notre fille Marine, qui a 26 ans, a eu sa première crise psychotique à 21 ans, le jour des résultats de sa licence. Elle a passé dix mois entre hôpital de jour et hospitalisation sous contrainte. Aujourd’hui, après avoir trouvé des petits boulots, elle a repris des études. C’est difficile, elle s’accroche et nous sommes en support. »