Corinne
« Le retentissement des troubles schizophréniques de ma fille Sophie dans la famille a été très fort, très compliqué. Cela s’est arrangé avec le programme ProFamille (un programme de psycho-éducation pour les proches) car j’ai appris beaucoup de choses sur cette maladie dont je ne connaissais absolument rien du tout. Le programme m’a donné la possibilité de me mettre à la place de Sophie, de comprendre ce qu’elle pouvait ressentir quand on lui faisait des reproches, quand on lui demandait d’avoir des attitudes qu’elle ne pouvait pas avoir.
Et puis, petit à petit, je pense que ça s’est diffusé dans la famille même si ses sœurs n’ont pas bénéficié d’un programme d’éducation thérapeutique comme celui-là. Disons que nos relations sont devenues tout à fait normales. »
Charlotte
« Je n’ai pas beaucoup de lien avec ma famille et mes amis. Ils me soutiennent car ils ne me jugent pas et comprennent ce que j’ai traversé mais je trouve nos rapports très superficiels. Finalement, je vois davantage les gens que j’ai rencontré par le théâtre sur Rouen. Ma mère me dit que le diagnostic peut évoluer mais j’ai l’impression qu’elle essaye de se rassurer en disant ça.
J’ai justement besoin que l’on reconnaisse ma maladie pour avancer. On ne parle quasiment jamais de la maladie et ils agissent comme si elle n’existait pas. Le fait que j’entretienne des liens très superficiels avec ma famille m’a toujours rendu triste et c’est un sujet qui revenait lors de mes crises. J’ai toujours eu le sentiment d’être « abandonnée » par ma propre famille et ne pas être digne de leur intérêt. »
Gilles
« Ce qui n’était pas facile pour ma famille et ma mère, c’est que ce n’était jamais arrivé auparavant. Ils avaient un peu de mal à y croire. Quand je suis sorti, je l’ai vachement rassurée, comme j’étais dans mon délire de persécution, j’ai un peu minimisé les choses. Du coup, elle s’est vraiment rendu compte de ma maladie quand j’y suis retourné la deuxième fois. Il y avait peut-être un peu de déni de sa part mais ce n’est pas facile. Ce n’est pas comme quand cela arrive quand tu as 15-16 ans. »
Joséphine
« Notre fille Marine a 26 ans et elle est schizophrène. Après dix mois d’hôpital de jour et d’hospitalisation contrainte, elle vit dans un appartement mais pas seule. Nous progressons avec elle, nous sommes formés sur cette maladie ce qui nous permet de mieux comprendre, accepter, renoncer, de moins souffrir et de pouvoir l’accompagner avec plus de doigté. Cette maladie est terrible, néanmoins l’espoir est là. »
Olivier
« Les difficultés sont multiples car il y a des jours ou tout va bien comme d'autres ou tout va mal ou de travers. Je peux être jovial ou enjoué, ou à certains moments complètement stressé par un événement. Il faut parler tout de suite et être écouté. Ce qui est le plus difficile, selon moi, c'est de garder la tête froide et d'être constant aussi bien dans mes choix que dans mes relations aux autres. Ainsi j'ai eu beaucoup de mal à m’intégrer socialement car je me sens souvent en décalage avec les autres. Soit parce que je comprends tout, tout de suite ou, au contraire car il me faut plus de temps pour assimiler une information. »
Caroline
« Quelques-uns de mes proches connaissent l'existence de ma maladie. Mais ils sont peu nombreux. C'est vrai que j'ai honte de ma maladie. Mais désormais je ne veux plus la cacher. Je souhaite que les autres découvrent la schizophrénie et n'en aient plus peur.
A part cela je suis une personne assez solitaire. Il ne me reste que très peu d'amis suite à mon déménagement en 2015. J'ai changé de région. Alors comme je ne sors que très peu je n'ai pas vraiment l'occasion de me faire des amis. J'ai peur de sortir seule.
Heureusement que je travaille car cela me permet de créer du lien social. Grâce à mon emploi j'arrive à sourire et à me sentir à peu près bien dans ma tête. Sur mon lieu de travail on dit de moi que je suis rayonnante et sociable. Oui je parle avec beaucoup d'employés ou autres visiteurs mais il faut savoir que nos discussions restent superficielles. Cela ne me dérange pas.
Sinon j'ai un mari qui me soutient vraiment. Même s'il ne comprend pas toujours tout (nous n'avons pas la même langue maternelle, il est Coréen, je suis Française). Depuis la première hospitalisation il a toujours cherché à se renseigner afin de comprendre ce qu'il en était de mon cas. Il avait même rencontré mon psychiatre miracle.
Je rends parfois visite à quelques membres de ma famille mais cela reste rare, hormis une de mes tantes qui est aussi concernée par un trouble psychique et qui de ce fait me comprend parfaitement. On échange beaucoup toutes les deux à propos de nos problèmes psy. Peu d'autres nous comprennent, excepté nos psychiatres respectifs.
Je ne parle pas tellement de la maladie à mes proches car si je le fais je finis par les agacer. Je préfère donc me taire et rester cloîtrée chez moi. Pourtant j'aime cela, échanger. »